De retour de la Traversée Sud de France, un périple de 79 km pour 3700d+
Samedi levé 3h après une courte nuit dans un petit hôtel d’Argelès-sur-Mer, le temps de prendre mon petit déjeuner et de me préparer, je file à l’Office de tourisme pour prendre la navette à 4h qui va nous mener à Arles sur Tech.
5h arrivé sur site, après un contrôle draconien sur la vérification du matériel et vêtements obligatoires je récupère mon dossard. Il faut patienter jusqu’à l’heure du briefing de course, en attendant je m’installe dans un coin et prends le temps de discuter avec quelques trailers.
6h15, il nous faut sortir pour le briefing de course.
6h30 : Go ! départ à la frontale pour cette longue journée qui m’attend et ces 80km…
Arles sur Tech – Montalba (10,5km, 760d+)
Je pars prudemment et le 1er km de bitume avalé, on attaque les réjouissances, avec la première montée (<>4km, 700d+) en single track, tous en file indienne. Passé cette ascension on peut reprendre de la vitesse pour arriver au 1er ravitaillement de Montalba au 10,5e km. 5 minutes d’arrêt au stand histoire de refaire le plein des flasques, un peu de grignotage et c’est reparti…
Montalba – Las Illias (15km, 980d+)
À nouveau une pente bien ardue nous amène, au Roc de France (alt. 1465m), point culminant de ces 80km, d’un côté l’Espagne, de l’autre la France, la vue y est de toute beauté.
Durant cette ascension je prends le temps de discuter avec d’autres coureurs. Nous les concurrents du 80km qui sommes encore frais, doublons bon nombre d’ultra-trailers qui eux sont partis vendredi à 10h et ont passé une première nuit à l’extérieur, avec, déjà plus de 100 bornes dans les jambes. La fatigue se lit sur les visages et au niveau de leur rythme. Je ne peux m’empêcher de les féliciter et les encourager. Chapeaux à eux !
Passé Roc de France, un petit bout de descente en single track nous mène à Puits à glace (alt. 1222m). De là, s’en suit une longue descente plutôt roulante mais en grande partie bétonnée (pas goudronnée). Sur cette partie, Mathieu, un jeune trailer 😉 me rejoint et nous allons faire un long périple ensemble… Nous arrivons rapidement à Las Ilias, 2e ravito (cumul 25,5km). Mathieu retrouve sa compagne et ses parents qui assurent son assistance, le veinard 😉 On prend également 5 minutes pour se restaurer un peu et refaire le plein des niveaux.
Las Illias – Le Perthus (14,5km, 370d+)
Sortie du village, on prend une DFCI qui nous fait gagner un peu d’altitude jusqu’au Col du Figuier (685m), s’en suit à nouveau une longue piste descendante sur 6km et en grande partie bétonnée… Et évidemment on file à bon train ! C’est bien là notre erreur. Ces chocs répétés sur le béton nous retourne lentement mais sûrement l’estomac. A tel point qu’au bas de la descente on n’est pas très bien, nous forçant à ralentir le rythme. La montée vers le pied du Fort de Bellegarde se fait en mode tranquillou avant de rattaquer la descente qui nous mène au village du Perthus pour notre ravitaillement. On a avalé 40km et 2110d+ en 6h06 ! C’est un peu trop rapide à mon goût sachant qu’il reste tout de même 40 bornes et 1600d+ à manger… On avait prévu 15 minutes d’arrêt pour ce ravito mais on vas y passer plus de temps, il faut se refaire une santé. Mathieu a du mal à s’alimenter, moi c’est un peu mieux mais l’appétit n’y est pas. Je me force tout de même à consommer une soupe de légumes chaude et quelques grignotages à côté. On fait le plein des flasques et Go !
Le Perthus – Col de l’Ouillat (9,5km, 730d+, cumul 49,5e km)
Mathieu est dans le dur, les maux d’estomac ne semblent pas vouloir passer…
On va donc s’économiser et marcher sur l’intégralité de ce tronçon. En toute franchise cela m’arrange car pour ma part, il y a aussi un facteur psychologique, n’ayant pas dépasser les 40km en trail et sachant qu’il en reste encore autant à faire, j’ai un coup de mou, une baisse de moral…
En chemin, nous rattrapons un jeune trailer, Jimmy, qui marche avec des bâtons en bois et les écouteurs sur les oreilles, on l’avait déjà croisé avant Le Perthus. En arrivant à ses côtés, je lui demande si ça va, et bien non il est cuit. Je l’encourage à continuer avec nous, ensemble ce sera plus facile que seul. Nous continuons donc notre route et on en profite pour faire connaissance. Jimmy est le plus jeune concurrent du 80km, 19 ans ! Cela fait peu de temps qu’il court, il y a peu il faisait un trail de 60km en Bretagne, avec faible dénivelé, mais une belle distance tout de même. Chapeau, c’est courageux de se lancer sur une telle aventure si jeune ! Tant bien que mal, nous avançons à trois. La montée est compliquée. Mathieu et Jimmy sont à la peine. Bonne nouvelle ! Enfin le Col de l’Ouillat pointe le bout de son nez et le ravito avec. Mathieu est au plus mal, sa famille est là. Il ne peut rien avaler. Je lui conseille de se faire vomir. Il est blanc et à froid, il s’allonge sur le sol. Les siens le couvre. Pendant ce temps, je reprends des forces, à nouveau une bonne soupe chaude qui me fait le plus grand bien, j’encourage Jimmy à en prendre mais il n’a pas le goût… Je reviens vers Mathieu, il m’annonce qu’il va abandonner, qu’il faut que je continue. Je décide d’attendre.
Jimmy reprend sa route mais toujours avec une petite forme.
Il s’est écoulé une bonne demie-heure depuis l’arrivée au ravito. Je suis sur le point de repartir lorsque Mathieu se lève et se force à vomir, pas grand chose mais suffisamment pour se sentir tout de suite mieux. Incroyable, il avale une soupe, mange un peu et le voilà, complètement ressuscité, frais comme un gardon 😉 Nous voilà reparti…
Col de l’Ouillat – Vallée heureuse (11,1km, cumul 60,6e km)
Il nous faut reprendre de la hauteur et franchir le Pic de Néoulos (alt. 1256m). En passant, j’en profite pour prendre quelques photos d’une magnifique forêt de pins que nous traversons.
Des regrets pour la vue au Pic de Néoulos, car nous sommes dans le brouillard, impossible donc d’y voir la mer, notre destination finale. Passé le Pic nous attaquons la descente vers la vallée heureuse où nous retrouvons Jimmy toujours à la peine. Fort de son expérience Mathieu lui conseille vivement de se faire vomir afin de libérer son estomac. Il va essayer mais en vain. Nous reprenons la descente ensemble. 55e km, une douleur vive commence à faire son apparition au niveau du TFL gauche (syndrome de l’essuie-glace), le haut du mollet et le dessus du pied gauche. Damned ! il reste 25 km, il va falloir gérer… Je suis obligé de ralentir la cadence. Jimmy a pris du retard, nous espérons qu’il nous rattrapera plus tard mais il nous faut avancer car les heures passent.
Mathieu, qui lui est en pleine forme, m’explique qu’on est sur son terrain de jeux, c’est une partie du parcours qu’il fait parfois à l’entraînement. On vient de s’enquiller plus de 1000m de dénivelé négatif sur 5 km, je ne suis pas mécontent de voir arriver le ravito. On picore à droite, à gauche, on fait le plein des flasques, le temps de plaisanter avec les bénévoles et il est temps de repartir.
Vallée Heureuse – Lavail (9 km, cumul 70e km)
En sortant du ravitaillement, on emprunte à nouveau une DFCI qui va nous faire reprendre un peu plus de 300d+. On fait un bout de chemin avec deux trailers qui font le 117km ! On plaisante, l’année dernière, ils faisaient le 74km, ils sont sur le point d’être Finisher du 117km, l’année prochaine ils partiront faire la Diagonale des Fous… Chapeau les gars !!!
Il n’est plus question de courir pour moi. Même en marchant j’ai du mal à suivre Mathieu. L’ascension terminée, un bout de descente toujours sur piste avant de reprendre un petit sentier technique et très pentu. Nous sommes rejoints par une charmante concurrente belge, qui à l’air en pleine forme, toute souriante, ça fait du bien ! Le jour décline et il nous faut sortir la frontale si on ne veut pas s’abîmer sur ce relief descendant. Ça me fait bizarre de me dire que j’ai commencé ce trail à la frontale et que je vais le terminer avec…
Le Papa de Mathieu est venu à notre rencontre, c’est super sympa et ça aussi c’est bon pour le moral, car plus on avance et plus la fatigue se fait sentir. Plus loin, c’est au tour de sa compagne et au bas de cette descente, c’est sa Maman qui est là, c’est le top ! On reprend une portion de route avant de rattaquer à nouveau une DFCI à profil montant. Il fait nuit noire, on avance dans le faisceau de notre frontale, en silence, chacun concentré sur ses pas.
Nous rattrapons petit à petit quelques trailers, soit parce qu’ils sont plus fatigués que nous, soit et surtout parce qu’ils étaient sur le 117 ou le 172km. L’un d’eux s’arrête sur le côté pour vomir… Mais où ont-ils planqué ce ravito ??? J’en vois plus la fin. J’entends du bruit au loin, un moteur qui tourne, un groupe électrogène… Alléluia enfin le dernier ravito !!! A nouveau, j’ingurgite une soupe, grignote quelques fruits secs, un carreau de chocolat, un bout de banane, le plein des niveaux et m’assoie quelques minutes pour récupérer un peu. Mathieu est déjà prêt. Allez, il reste moins de 10 bornes, il faut en finir ! GO !
Lavail – Argelès-Sur-Mer (9km, cumul 79e km)
On ne change pas une équipe qui gagne, nous revoilà à nouveau sur une DFCI avec 200d+ à la sortie du ravito. J’avance comme une locomotive diesel, au ralenti. Mathieu qui prend pas mal d’avance, m’attend patiemment, merci !
On évolue sous un ciel étoilé, par une douceur incroyable avec pour seul éclairage nos frontales et les éclairages de la civilisation au loin. Malgré la fatigue ça a quelque chose de magique 🙂 Mes douleurs toujours présentes côté gauche, on se remet tout de même à courir, pour ma part péniblement et à un rythme très modeste, sur les portions plates ou légèrement descendantes. Pendant un moment, on se fait peur car on ne voit plus de signalisation, pas de rubalise, avons nous raté une bifurcation ? Il manquerait plus que ça…
Non, tout va bien, nous sommes en bonne direction, la signalisation est à nouveau présente. Cette portion nous parait interminable, jusqu’à ce que nous arrivions à une bifurcation qui indique “Château Valmy – 1 km”. Mathieu me rassure en me disant qu’on touche au but 🙂
Ni Mathieu, ni moi ne nous étions fixé d’objectif sur ce trail car pour chacun de nous c’était l’inconnu. Le seul objectif c’était d’être Finisher mais un peu joueur bien plus tôt dans la journée on se disait que si nous arrivions avant 22h on serait content… En regardant l’heure on voit qu’on y arrivera pas. Sur la descente, à nouveau le Papa de Mathieu et maintenant son frère et un ami arrivent à notre rencontre, c’est génial :)) On fait route ensemble et peu avant Château Valmy, le reste de la famille est là à attendre sur un petit muret, sa Maman, sa compagne et sa grand-mère. C’est extra, ça « reboost » !
A ce stade, 4 km nous sépare de la ligne d’arrivée pour être « finisher » et mentalement rien ne pourra nous en empêcher ! Toute la famille de Mathieu remonte en voiture pour être à l’arrivée, quant à nous nous reprenons à courir. Avec Mathieu on se met d’accord sur une stratégie : On va courir pendant 1 km puis récupérer en marchant sur 500m et renouveler ce schéma jusqu’à franchir la ligne d’arrivée. C’est ce que nous allons faire. On évolue sur le goudron mais sur le plat, du coup la douleur se fait moins présente, je traîne toujours un peu la patte, mais ça va. Le 1er km passe lentement, les 500m de marche paraissent également très long et on remet ça. Le plus drôle, c’est de trouver encore les ressources nécessaires pour courir après tous les km accumulés depuis ce matin 6h30.
Le mental a pris le dessus sur la douleur, sur la fatigue… On se rapproche du port d’Argelès, on passe la marina, tous les passants nous félicitent et nous précisent que l’arrivée est toute proche. Un moment de bonheur indescriptible de savoir que l’arche d’arrivée est là, droit devant nous à 400m, au terme d’un périple de 80km…
Il n’y a plus de douleur, plus de fatigue ! Emporté par notre élan, nous allons terminer au sprint ces derniers 400m en emmenant avec nous deux autres concurrents que nous avons rattrapé dans cette dernière ligne droite mais que nous laisserons franchir la ligne d’arrivée devant nous 😉 Nous passons sous l’arche ! Nous voilà Finisher de la Traversée Sud de France, notre premier 80km en 15h34 de course… Toute la famille de Mathieu est là, c’est l’heure des photos et d’un repos bien mérité !
Pour la petite anecdote, nous avons franchi la ligne d’arrivée à 22h04 😉
Résultat : 106/174 au général, dont 17 abandons, 28/52 dans ma catégorie dont 6 abandons.
Alors ni héros, ni sur-homme, simplement la satisfaction personnelle du dépassement de soi, d’être arrivé au bout de cette aventure, de ces 80 bornes avalés en une journée en alternant course et marche et de voir se réaliser ce qui il y a quelques temps me paraissait impossible…
Mathieu, ravi d’avoir partagé tous ces kilomètres avec toi ! Merci aux tiens pour leur présence qui m’a bien profité et au plaisir de partager à nouveau d’autres kilomètres qui sait où…
[…] Une douleur prenant la cheville et le dessus du pied gauche se manifeste (cela me rappelle un souvenir assez récent…). ça se complique […]