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18 juillet 2020 – 23h55 – Alpe d’Huez

Par une douce nuit d’été, nous rejoignons en famille le palais des congrès de l’Alpe d’Huez où d’ici quelques minutes sera donné le départ de l’Ultra de l’Oisans Trail Tour, dont les réjouissances se résument à 2 chiffres : 86,7km et 4800m de dénivelé positif et négatif ainsi qu’à la promesse de beaux paysages.

J’embrasse mes petites femmes, et regagne mon sas de départ, masque sur le visage, pour le contrôle de l’équipement.

Dans le contexte particulier, lié à la pandémie du Covid-19, l’Oisans Trail Tour, sauf erreur, est la première manifestation Trail à être autorisée depuis la sortie du confinement. L’organisation n’a rien laissé au hasard : masque obligatoire lors du retrait de dossard et dans le sas de départ, gel hydroalcoolique, ravitaillement plus gros mais moins nombreux uniquement servis par les bénévoles, masques ou visières obligatoires pour chaque bénévole, …

De plus l’organisation avait demandé, quelques jours plus tôt, à chaque coureur, d’estimer son temps de course pour définir son sas de départ afin d’éviter les engorgements sur le parcours. A savoir, un départ toutes les minutes par groupe de 50 coureurs.

Avant même d’avoir pris le temps de faire mon roadbook, dans la précipitation, j’avais indiqué un temps estimatif de 14h30 – 15h30h pour venir à bout de ce périple. L’Organisation m’a donc attribué le dossard 191 me plaçant dans la 4e vague de départ. En générant mon roadbook quelques jours avant le départ, je m’aperçois avoir été un peu trop optimiste. 16h40 de course,  pauses comprises, semble plus réaliste. Oups…

J’ai également fait le choix de partir sans bâtons. En effet, dans trois mois, une autre course bien plus difficile m’attend et l’usage des bâtons n’y est pas autorisé. Cela me servira de demi-expérience…

Ultra Oisans Trail Tour 2020 : Les pros à quelques minutes du départ :)

Crédit photo : Cyrille Quintard – « Les pros » dans la première vague en attente du départ 🙂

Minuit ! Le départ est donné pour la 1ere vague.

Puis, rapidement, c’est au tour de notre sas de s’élancer pour une nouvelle aventure.
Effet de la pandémie, un départ sans tambour ni trompette, assez intimiste et sobre, peu de monde présent, pas de musique tonitruante.

En passant un petit “coucou” à mes petites femmes et une fois la ligne de départ franchie, je retire mon masque. Quelques centaines de mètres plus loin, le bitume cède sa place à la piste. Les réjouissances peuvent commencer !

Comme à l’accoutumé, sur des parcours de nuit, tout le monde est concentré sur son rythme et sur l’endroit où va se poser chaque pied. De ce fait, peu d’échange entre coureur hormis pour ceux qui participent en groupe.

Cette première partie est bien roulante. Sur un single plat puis descendant, se propage dans le faisceau de nos frontales, la poussière soulevée par nos nombreuses foulées.

Au fur et à mesure, que nous perdons de l’altitude, nous sommes pris par des nappes de brumes.

Moi, qui naïvement, pensait réguler ma vitesse sur ce tronçon, c’est râpé ! Comme la sente est étroite et qu’il est, par conséquent, difficile de se doubler, si je ralentis, je bloque les traileurs qui sont derrières. Qu’à cela ne tienne ! Je me laisse embarquer par le flot.

Une dizaine de kilomètres avalée, et une torsion de cheville à gauche. ça commence bien.

 

Vaujany – 19km – 2:19:46 – Ravitaillement

Alors que mon Roadbook indiquait une arrivée à 3h36, j’ai 1h17 d’avance. Effectivement, cela confirme bien le fait que je me suis laissé emporter par la vague…

Comme je grignote un peu à chaque heure de course, je ne picore rien sur ce ravitaillement. Je prends tout juste le temps de faire le plein de mes flasques, pour reprendre ma route sans trop me refroidir car avec l’humidité due au brouillard, on se gèle.

Chemin faisant, je fait la rencontre, d’Hippolyte, jeune traileur Lyonnais, qui connait les pistes de ski de l’Alpe d’Huez et des domaines voisins comme le fond de sa poche. Nous partageons sur nos expériences de courses tout en avalant ces 700m de dénivelé positif sur une piste bien large à la lueur de nos frontales. Je commence à me dire que je regrette déjà mes bâtons.

Je laisse partir Hippolyte, dont le rythme m’est trop rapide. La course étant loin d’être terminée, il convient, à mon niveau, d’être prudent.

Sur un tronçon plus plat qu’il me semble reconnaitre, je rattrape une traileuse Montpelliéraine avec qui je vais papoter un petit moment, lorsque je me rend compte, qu’il n’y a plus de frontales, dans notre axe au loin. En tournant la tête sur la droite, j’en vois ! Nous avons loupé la signalétique et je comprend qu’il nous faut faire demi-tour, car à droite, avant de rejoindre le cordon lumineux de frontales, se trouve le Lac Besson et je me vois mal prendre un bain pour rejoindre la rive opposé à cette heure-ci. Endroit fort sympathique au demeurant pour y avoir pique-niquer en famille l’avant veille 🙂

Un peu de temps perdu avec ce détour non prévu et une deuxième torsion de cheville toujours à gauche. Bien !

Après avoir repris le bon itinéraire, s’amorce 500m de dénivelé négatif nous faisant passer à proximité de l’Alpe d’Huez avant que débute une nouvelle portion grimpante de 300d+.

Je suis rattrapé par Axel, grand gaillard, Lyonnais lui aussi, et faisons route commune sur cette partie de macadam qui nous mène vers le Col de Sarenne. Rien qu’en marchant, là où Axel fait un pas, il m’en faut pratiquement un et demie pour rester à son niveau 😂. Il me raconte son aventure sur l’Échappée Belle, un petit Ultra Trail de 144km pour 11100d+, une pacotille… ahahah

Petit à petit, la nuit laisse sa place au jour. Pas mécontent d’y voir plus clair, je peux désormais me passer de la frontale. Au terme de ces 4km de montée sur le bitume, nous franchissons le Col de Sarenne et prenons le temps de faire quelques photos avec la vue sur la Meije et le Massif des Écrins avant de s’enquiller 740d- où il me faut être vigilant et éviter une torsion supplémentaire.

Ultra Oisans Trail Tour 2020 : Franchissement du Col de Sarenne au petit jour. Au loin, la vue sur le Massif des Ecrins et la Meije !

Le franchissement du Col de Sarenne au petit jour. Au loin, la vue sur le Massif des Ecrins et la Meije !

Passé le 43e km, Axel s’exclame : “Maintenant, on bascule !”, en langage de traileur, cela signifie, que nous avons parcouru la moitié du kilométrage total et que désormais à chaque pas de réalisé, le kilométrage restant diminue 😉

Et vous connaissez l’histoire maintenant, après une descente et bien il y a forcément une montée, en l’occurrence 210d+ pour rejoindre le ravitaillement de Besse en Oisans 🙂

 

Besse en Oisans – L’Aller – 45km – 6:51:39 – Ravitaillement

1h40 d’avance sur ce qui était prévu au Roadbook (arrivée prévue à 8h31). Il va falloir sérieusement ralentir la cadence si je compte aller au bout de l’aventure, sinon, c’est l’explosion en vol assurée !

Pour l’heure, direction, le « ravito » : Une soupe chaude, un verre de Saint-Yorre, 1 morceau de banane, 2 TUC, le plein des flasques, le tout servi par les bénévoles fort sympathiques.

Le temps de grignoter et de récupérer un peu de ces premiers 45km, je préviens Axel, que je compte ne pas m’attarder car je commence à avoir froid. Et c’est reparti avec un premier tronçon de 11km et 1050d+. Arrf, ça va piquer dans les cuissots, surtout qu’à ce stade, ma résistance, est déjà bien entamée.

Avec, quelques traileurs, dont Axel en tête, tous en file indienne, nous attaquons ce gros casse-patte. Je reste dans ma bulle sur ce début de montée et tente d’optimiser chaque pose de pied. Chaque fois que l’on pense apercevoir le sommet, un autre apparaît plus loin. En attendant, on prend de l’altitude, et la vue est bien agréable.

Des traileurs nous rattrapent et nous doublent, nous en rattrapons et doublons d’autres. C’est le jeu, chacun à son rythme. Axel qui semble avoir un coup de mou est relayé par un autre traileur de notre petit groupe lorsque nous rattrapons un concurrent qui semble être dans le “dur”. Il évolue, comme moi, sans bâtons et pour les mêmes raisons 😂. Du coup, nous avançons ensemble et échangeons sur cette future course alors que pointe, enfin, la fin de cette grosse montée. Honte à moi, tellement concentré sur l’avancement et sur nos discussions et certainement avec l’effet de la fatigue, que je n’ai même pas pensé à lui demander son prénom !

Axel s’est laissé distancer mais avec mon acolyte, n’étant nous non plus, pas très frais, je me dit qu’il va nous rattraper plus loin et continuons à avancer.

Nous somme maintenant sur le plateau d’Emparis, c’est de toute beauté ! J’en profite pour prendre quelques clichés. La relance est difficile, j’alterne course en petites foulées très tranquilles et marche rapide. L’estomac est quelque peu contrarié, comme d’habitude, mais pour autant il faut continuer à s’alimenter régulièrement.

Ultra Oisans Trail Tour 2020 : Plateau d'Emparis, presque seul au monde...

Je regarde ma montre et je n’avance pas ! J’ai l’impression d’être au ralenti, de faire du sur place. Par bonheur, les paysages sont magnifiques, par moment, j’ai l’impression d’être seul au monde, pas de concurrent en vue immédiate.

Ultra Oisans Trail Tour 2020 : Plateau d'Emparis et la beauté des lieux

Je passe à proximité des lacs Lérié et Noir où des randonneurs ont établis leur bivouac et pêchent tranquillement sur les rives. Même si la fatigue est bien présente, je ne peux m’empêcher de penser que nous avons de la chance de profiter de tels sites.

Ultra Oisans Trail Tour 2020 : Passage à proximité des Lacs Lérié et Noir

c’est tentant 🙂

J’en termine avec cette boucle sur le plateau d’Emparis et fini par rejoindre, bien content, un petit ravitaillement uniquement liquide à proximité d’un refuge. J’avale 2 verres de menthe à l’eau et complète mes flasques, je réalise que ma montre a “bugué” et qu’en réalité j’ai fait plus de kilomètres que ce qu’elle m’indique, ce que me confirment les sympathiques bénévoles. Je comprends mieux maintenant pourquoi j’avais l’impression de ne pas avancer.

Pour autant, il convient de ne pas s’éterniser, alors go ! Direction Besse sur Oisans – retour – avec au programme, un petit 150d+ mais surtout une descente bien raide et bien usante pour les muscles déjà fortement sollicités à cette heure, soit 840m de dénivelé négatif.

Le soleil est bien présent mais par chance un petit vent léger fait le plus grand bien.

Avant d’attaquer la descente, j’appelle mes petites femmes qui m’attendent au ravitaillement de Besse pour les prévenir que je vais arriver mais pas tout de suite :))

Au final la descente se passe mieux que prévue, même si les quadriceps et les genoux commencent à se plaindre, dans l’ensemble je mets moins de temps qu’estimé. Et j’en suis le plus heureux !

 

Besse en Oisans – Le retour – 66km – 11:16:58 – Ravitaillement

J’arrive avec 1h41 d’avance sur l’horaire prévu mais bien entamé 😂 ! Je vais m’octroyer un temps de pause supérieur à ce que j’avais envisagé et comme mes petites femmes sont présentes, c’est parfait 🙂

Je commence par boire de la Saint-Yorre, du Coca et par me sustenter avec un bout de banane, quelques TUC, en fait, le menu habituel ! 😂

J’en profite par enlever ma sous-couche technique et par remplacer ma paire de chaussettes et me permet même un petit auto-massage : Quadris, genoux, mollets et chevilles à l’huile d’Arnica mélangée à quelques gouttes de Gaulthérie. Un petit moment de bien-être 🙂

Jade, refait le plein de mes flasques. Ma moitié, échange mes emballages vides contre un petit sandwich maison (la fameuse recette du coach), si besoin, pour les derniers 20km.

Avec tout ça, 45 minutes se sont écoulées, il est temps de lever le camp !

Un baiser à mes petites femmes et zou, direction Auris en Oisans, 11km plus loin avec un total de 435d- et 496d+, pour le dernier ravitaillement avant l’arrivée.

Un début, sur un profil descendant, qui se fait, pour ma part, avec une démarche de robot le temps que les muscles chauffent un peu.

Au bas de la descente, un joli chemin ombragé relativement plat, c’est fort appréciable, surtout que la température commence à monter. Et vlan ! Nouvelle torsion de cheville à gauche qui manque de m’envoyer à terre. J’en crie plus de rage que de douleur. Je repars en clopinant, la douleur s’atténuant quelques centaines de mètres plus loin. Ouf ! Mais bon, va pas falloir que ça se reproduise trop souvent ce genre de petite blague…

La suite se fait sur un profil montant, en corniche et à découvert, on reprend de l’altitude, et le soleil cogne gentiment mais surement. Je rattrape ou me fait doubler par d’autres compagnons traileurs. Parfois, d’ailleurs, c’est la même personne que je double et qui me redouble plus loin. 😂

Chacun, est dans sa bulle, le moral quelque peu en berne, car tous bien fatigués à cet endroit du parcours.

 

Auris en Oisans – 77km – 13:55:23 – Ravitaillement

1h09 d’avance sur le Roadbook

J’ai la banane :)) mais perdu la patate depuis un bon moment.

Je retrouve sur ce « ravito », ma petite femme, ma fille et mon frangin Aurélien. Ils étaient attablés bien tranquillement à déjeuner, et voilà que je viens jouer les troubles fêtes ! 😂

A nouveau un morceau de banane, 2 TUC, le plein des flasques, un ersatz de “coca”, de la saint-yorre et une pause sur un banc le temps de discuter avec les miens et de reprendre un peu de force avant le dernier tronçon de cette aventure !

Lorsqu’on s’engage sur une course d’endurance, on ne peut prédire son déroulement, parfois, on tire des plans sur la comète et au final rien ne se passe comme prévu. Mais, lorsqu’il reste un petit 10km à parcourir, on commence à jubiler intérieurement car sauf gros incident, il y a peu de risque de ne pas franchir la ligne d’arrivée. Cela ne veut pas dire que ces derniers kilomètres seront faciles mais lorsque le décompte commence, il y a quelque chose de magique…

Le départ d’Auris en Oisans, dernier tronçon de 9km et des poussières, 416d- et 628d+ avant l’arrivée se fait par une belle côte, avant de prendre droit dans la descente, ce qui doit être en hiver une piste de ski. J’ai tiré la langue dans la montée et serré les dents dans la descente. 😂

Je rattrape un traileur, Olivier, fort sympathique, qui me dit : “Ça commence à tirer…”, j’acquiesce largement 🙂
Nous commençons à papoter, sur la course actuelle, et sur celles passées. Olivier, à un beau palmarès d’Ultra Trail à son actif et pas des moindres. En août dernier nous étions tous les deux sur le GRP, moi sur le 120k et lui sur le 220k. Chapeau bas ! Nous avons même un ami traileur en commun, le monde est bien petit 😉

Nous traversons la Sarenne par un beau petit pont Romain. Le torrent et le vent qui s’engouffre dans cette gorge nous apporte un souffle de fraîcheur lorsque nous franchissons le pont. Un pure moment de bonheur que cette “clim” naturelle 🙂

Peu avant le village d’Huez, nous sommes rejoints par Vincent, lui aussi, ultra traileur chevronné et continuons notre petit bonhomme de chemin à trois. Et comme dit le proverbe : “Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin” 🙂

Pris dans nos discussions et la tête dans les chaussures, nous manquons le balisage sur notre gauche. Heureusement, un traileur, une vingtaine de mètres derrière nous, nous interpelle. Merci à lui ! Ce n’est pas le moment de se rallonger le parcours…

Nous sommes à un peu plus de 4km de l’arrivée, et ce qui se dresse devant nous, nous impressionne. Un belle bosse, que dis-je, un mur de 300d+ où l’on aperçoit, au loin, en tout petit, des traileurs. Il va falloir prendre sur soi pour se hisser là-haut ! Vincent se propose de passer en tête, on ne se fait pas prier et lui emboitons le pas. A notre petite allure, un pied après l’autre, nous avançons humblement mais sûrement. Nous sommes rattrapés et doublés par des traileurs, visiblement plus frais que nous 😉

Ce mur franchit, nous évoluons maintenant sur un sentier plutôt plat et relançons en petites foulées. Il nous reste 2,5km à parcourir, j’en profite pour prévenir ma petite femme que l’arrivée est imminente 🙂

La fin du sentier que nous devinons nous fait la surprise d’une petite bosse à franchir sur 300m de distance…

Et comme toujours, lorsqu’on sent l’écurie, que la délivrance est toute proche, nous trouvons les ressources pour allonger la foulée, tout simplement courir, là sur le bitume, sur la route pour rejoindre le palais des congrès, l’arche que l’on aperçoit, les passants qui applaudissent. Allez, dernier rond-point, la dernière ligne droite que l’on va avaler, au sprint, modéré mais sprint quand même, et franchissons cette ligne d’arrivée, tous les trois, ensembles et euphoriques !

Mes petites femmes et mon frangin sont présents pour immortaliser l’instant 😉
Avec mes compères, on se félicite d’en avoir terminé au terme d’une course de 16:02:58.

 

Épilogue :

  • Félicitations à l’Organisation et aux bénévoles pour la gestion du dispositif lié au Covid-19 !
  • Remerciements :
    •  A mes petites femmes, à mon frangin Aurélien d’avoir été présents et pour l’assistance ! Il me tarde, déjà de partager une prochaine aventure de ce type avec le frangin 🙂
    • Aux traileurs, pour ces rencontres, ces échanges tout au long de ce voyage.
    • Au coach, pour ses plans d’entraînements, pour ses conseils.
    • A vous, qui avez pris le temps de lire ce récit 🙂

Résultats :

  • Temps : 16:02:58
  • Résultat au général : 145/303 arrivants, 71 abandons
  • Résultat dans ma catégorie : 13/40 dont 5 abandons

 

Annexes :

 

Le Dauphiné : Reportage

Vidéo de alpedhuez TV

 

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